Notre-Dame du Cap,
Reine du Très Saint Rosaire, Reine du Canada, a une très belle
histoire. Le
Cap-de-la-Madeleine est un lieu de pèlerinage national et même
international érigé en l’honneur de Marie et qui a débuté dès
la découverte du Canada. L’histoire de Notre-Dame du Cap
démontre indubitablement que lorsque le peuple délaisse le
Rosaire, tout se détériore dans la société et dans les
familles. Que les familles reprennent le chapelet pour que
revive notre nation!
Faits
historiques
Jacques Cartier,
remontant le majestueux fleuve Saint-Laurent en 1535, avait
planté la croix du Christ sur une des îles du Saint-Maurice,
qui sépare les villes d’aujourd’hui de Trois-Rivières et du
Cap-de-la-Madeleine. C’était le 7 octobre, jour qui devait
être proclamé plus tard, fête du Saint Rosaire, par le Pape
Saint Pie V.
Messire Jacques de la
Ferté, abbé de Sainte-Marie-Madeleine de Châteaudun, en
France, et associé de la Compagnie des Cent associés, reçut en
fief une étendue de terrain appelé le Cap des
Trois-Rivières.
En 1651, Messire de la
Ferté cédait aux Pères Jésuites, premiers missionnaires de la
région trifluvienne, une seigneurie, leur donnant la charge
d’y fonder un poste central de missionnaires en faveur des
indigènes, qui s’y rendaient chaque année à la traite des
fourrures.
Les missionnaires, en
souvenir du premier bénéficiaire, l’abbé de La Ferté,
appelèrent la localité Cap-de-la-Madeleine.
Cette terre fut
sanctifiée dès l’origine par le passage des pères Brébeuf,
Daniel et Lalemant, trois des saints Martyrs canadiens. Le
père Jacques Buteux fut surtout l’apôtre de cette chrétienté
pendant dix-huit ans et il l’arrosa de son sang. Il tombait
victime de l’Iroquois, en 1652, un an après la naissance du
Cap-de-la-Madeleine.
En 1659, une modeste chapelle en bois fut érigée par le
gouverneur des Trois-Rivières, Pierre Boucher. Elle fut cédée
en 1661 à la paroisse naissante de Sainte-Marie-Madeleine, qui
inaugura le culte de la Vierge Marie.
Le Cap-de-la-Madeleine
fut érigé en paroisse le 30 octobre 1678 par Mgr de Laval,
premier évêque du Canada.
En 1694, le culte de
la Vierge Marie s’implanta en permanence sous la forme de la
Confrérie du Rosaire.

|
La petite
chapelle de pierre, bâtie en 1720, existe encore en
2004. En arrière-plan, la nouvelle basilique, construite
en 1964. |
Mgr de Saint-Vallier
se détermina à remplacer le modeste oratoire par une église en
pierre; mais les paroissiens, sur le conseil du curé Paul
Vachon, qui avait succédé (1685) aux Récollets, successeurs
eux-mêmes des Jésuites, durent solliciter les aumônes à
Québec, à Ville Marie (Montréal), aux Trois-Rivières,
territoire qui formait le Canada à cette époque. Dès ce
moment, Notre-Dame posait les bases d’une oeuvre vraiment
nationale.
L’acte de naissance du
Sanctuaire de la Reine du Très Saint Rosaire remonte au 13 mai
1714, et porte la signature de Mgr de Saint-Vallier, deuxième
évêque de Québec. Le temple s’édifie en lenteur, si bien qu’il
n’est livré au culte, encore inachevé, qu’en 1720.
Toutefois,
fleurissante à ses débuts,
la Confrérie du Rosaire subit, l’espace d’un siècle, un
sérieux ralentissement à cause d’un prêtre peu zélé. Le
chapelet fut abandonné et les paroissiens n’aillaient même
plus à la messe le dimanche. Privé de sa Protectrice et de
pasteurs zélés le peuple se dégrade. Il en est toujours
ainsi.
150e anniversaire de
la statue
150e anniversaire du dogme de
l’Immaculée

|
La statue de
Notre-Dame du Cap, sur l'autel de la petite chapelle en
pierre. |
En 1854, année de
la proclamation du dogme de son Immaculée Conception,
Notre-Dame inspire à un généreux paroissien du
Cap-de-la-Madeleine, la pensée de faire don à son église d’une
Madone de belles proportions, aux yeux baissés et aux mains
tendues. Cette statue deviendra la Vierge miraculeuse dont la
célébrité dépassera les frontières du pays. C’est celle-là
qu’on vénère encore aujourd’hui sur le maître-autel du
sanctuaire.
Cette statue deviendra
comme par droit de conquête, la propre Madone du pèlerinage
canadien, quand un prodige du ciel l’aura marquée de son
sceau, et surtout quand, plus tard, le diadème de la royauté
ceindra son front.
Lorsque l’abbé
Désilets fut nommé curé de la paroisse, les paroissiens
avaient abandonné la pratique religieuse et la récitation du
Rosaire. Les curés qui l’avaient précédé n’avaient obtenu
aucun succès. On avait semé dans la paroisse un climat
anticlérical. Un soir, désolé, mais non découragé, M. l’abbé
Désilets entre dans le sanctuaire. Quelle ne fut pas sa
surprise d’y voir un porc mâchouillant un chapelet. Il s’est
dit: «Les hommes abandonnent le Chapelet et ce sont les porcs
qui le reprennent.» Ce fut le sujet de son sermon suivant. Les
paroissiens entendirent le message. L’abbé Désilets promit à
Notre-Dame de raviver la dévotion au saint Rosaire. A partir
de ce moment la paroisse changea de visage. Comme d’habitude,
le chapelet avait conquis les âmes: sa vieille église revêtit
l’éclat d’un pèlerinage privé, local.
Le miracle du pont
de glace en 1879
En 1873,
Cap-de-la-Madeleine comptait environ 1300 âmes. L’église était
devenue trop étroite. Mgr Laflèche ordonna la construction
d’une nouvelle église. La pierre de l’édifice devait provenir
de la paroisse Sainte-Angèle, sise sur la rive sud du fleuve.
Les habitants comptaient sur un pont de glace sur le fleuve au
cours de l’hiver, car les paroissiens n’avaient pas les moyens
financiers pour faire transporter ces pierres par bateau. Dès
le mois de novembre 1878, M. le curé Désilets avait demandé de
prier à cette fin. Tous les dimanches, après la messe, on
récitait le chapelet pour obtenir un pont de glace, mais on
avait beau prier, le fleuve restait toujours libre de glace.
Janvier et février étaient passés, mars s’écoulait de même; la
saison des grands froids était terminée; il semblait que l’on
ne pouvait plus rien espérer.
Les marguilliers
voulaient démolir la précieuse relique qu’était la petite
église de 1714 pour se servir des pierres, afin de diminuer le
nombre de pierres à charroyer à partir de Ste-Angèle, de
l’autre côté du fleuve.
La Sainte Vierge en
avait décidé autrement. Malgré les chapelets qu’on lui
récitait, tous les dimanches après la messe, elle ne laissait
pas le fleuve geler devant le Cap.
Elle attendait le voeu du curé Désilets: «Si vous nous
accordez de la glace sur le fleuve pour la fête de saint
Joseph, nous ne détruirons pas votre petite église, mais nous
la dédierons à votre saint Rosaire», promit-il à Notre-Dame.
Tout de suite, il fut exaucé; dans la nuit du 15 au 16 mars,
un dimanche, les glaces de la débâcle, serrées entre les deux
rives, s’arrêtent vis-à-vis du Cap. Le vent se met à souffler.
Une neige mouillée suivie d’un froid vif les soude et forme le
pont de glace tant attendu. Un miracle sûrement, la veille, on
avait traversé le fleuve en petit bateau, preuve que le fleuve
était libre de glace.
Les paroissiens se
sont risqués l’après-midi et le soir, à la brunante, sur ces
tronçons de glace. L’abbé Duguay en tête marchant à quatre
pattes. «N’ayons pas peur se disaient-ils, ce sont les Ave du
saint curé Désilets qui nous portent.» Par une heureuse
coïncidence, la première charge de pierres, conduite par M.
Jos Longval, arriva sur le terrain de l’église, près de la
chapelle du Saint Rosaire, juste comme sonnait l’Angelus de
midi, le 18 mars.
Le lendemain, tous les
paroissiens se rendirent à la grand’messe annoncée en
l’honneur de saint Joseph, pour obtenir une heureuse traversée
de la pierre. Après avoir entendu la messe dévotement en habit
de travail, et avoir récité le chapelet comme à l’ordinaire,
ils partirent, par un temps magnifique, avec une file de 80 à
100 voitures, vers le sud du fleuve pour commencer le
transport des pierres. Ils le firent gratuitement.
La traverse était
continuellement couverte de voitures. On charroya pendant huit
jours consécutifs, jusqu’à l’octave de la Saint-Joseph, sans
aucun accident … Quand les dernières charges nécessaires
furent traversées, la glace commença à se détériorer, dévorée
qu’elle était intérieurement par la rapidité du
courant.
Flavien Lapointe, de
Saint-Maurice de Champlain, avait 19 ans, il a travaillé sur
le pont de glace obtenu grâce aux chapelets de l’abbé Désilets
et de ses paroissiens. Il partait dès 8.30 heures du matin et
ne revenait que dans la soirée pendant une semaine de temps.
Il raconta: «Tous les hommes et jeunes gens du Cap ont
participé à cette corvée. Il y en avait de plus peureux que
les autres, surtout quand ils voyaient l’eau monter sur le
bord de la glace et le chemin onduler sous la pesanteur de la
charge. Le transport se faisait avec des «sleighs» de 10 à 20
pieds de long,
chaque «sleigh» était tirée par un seul cheval. Le pont
de glace était étroit mais il y avait quelques endroits pour
se rencontrer. Il n’y a pas eu d’accident, ni de panique. Les
gens travaillaient avec confiance, ils voyaient M. le curé
réciter son chapelet dans le haut de son
presbytère.»
Soeur Ste-Gertrude
(Montplaisir), des Soeurs de l’Assomption de Nicolet, avait 12
ans au moment du miracle du «pont des chapelets», elle a
certifié avoir vu le pont de glace qui s’est fait à la suite
des prières demandées par M. le curé Désilets. Elle a été
témoin de la procession des voitures qui allaient du nord au
sud, charroyant les pierres. M. L’abbé Duguay, vicaire, était
passé de porte en porte pour inviter tous les hommes à prendre
part à cette corvée. Il demanda aux femmes de rester à la
maison et de réciter le chapelet avec les enfants. Tous les
paroissiens du Cap ont réalisé que le pont de glace ne s’était
formé que par miracle.
Les paroissiens du
Cap n’ont pas hésité à reconnaître l’intervention divine dans
ce pont de glace. Spontanément, ils l’ont baptisé: LE PONT DES
CHAPELETS. 1879-2004, 125e anniversaire du «pont des
chapelets».

Photo du pont des
chapelets érigé en souvenir du pont de glace,
au sanctuaire
du Cap-de-la-Madeleine
En 1924, en souvenir
de cet événement miraculeux, les Oblats de Marie
Immaculée, gardiens du Pèlerinage à Notre-Dame du Cap,
construisirent le «pont des chapelets». Le 15 août, de la même
année, Mgr Cloutier le bénissait solennellement et dit à
l’immense foule qui l’entourait: «Quand on examine dans son
ensemble la façon dont le pont s’est formé à l’heure où tout
semblait désespéré, les fardeaux qu’il a portés, et que l’on
se rend compte surtout des merveilleux développements du
pèlerinage dont il a marqué le point de départ, ne doit-on pas
l’attribuer à une intervention surnaturelle? C’est Seigneur
qui a fait cela.»
Le Pont des chapelets
affirme donc de façon éclatante la présence de Marie au
Cap-de-la-Madeleine. S’il subsiste des doutes à ce sujet, un
autre prodige achèvera de les dissiper.
Le prodige des yeux
de la statue
La nouvelle église de
Sainte-Madeleine s’édifie lentement et, quoique inachevée,
elle est bénite et livrée au culte le 3 octobre
1880.
Durant les années qui suivirent, on restaure l’ancienne
en vue de sa dédicace solennelle à Notre-Dame du saint
Rosaire, selon la promesse de M. le curé Désilets.
Enfin ce grand jour se
lève. Le 22 juin 1888, jour de joie, jour d’intenses prières.
Monsieur le curé Luc Désilets accomplit solennellement son
voeu. A la suite d’une belle cérémonie, la statue a été placée
sur l’autel principal.
Le bon Père Frédéric, qui deviendra
l’un des plus fervents prédicateurs des gloires de Marie au
Cap-de-la-Madeleine, (béatifié par Jean-Paul II en 1988)
arrivait d’Europe au Canada comme commissaire de Terre Sainte.
Il fit plusieurs instructions ce jour-là à la foule
rassemblée.
L’abbé Duguay, vicaire
de M. le curé Désilets et son successeur, raconte le miracle
qui s’est produit le soir même de cette journée
inoubliable:
«Vers sept heures du
soir, arrive un handicapé du nom de Philippe Lacroix. Je le
vis entrer dans le Sanctuaire en marchant entre M. le Curé,
Luc Désilets et le Rev. Père Frédéric. Je les vis à genoux au
balustre... Or voici ce qui s’est passé tel que M. le curé
Désilets me l’a raconté bien des fois avec émotion:
«Pendant qu’ils
étaient tous les trois en prière, ils virent la statue de
Notre-Dame du Cap, les yeux grandement ouverts, elle qui
normalement a les yeux baissés...»
L’enthousiasme et le
zèle du bon Père Frédéric ne connurent plus de limites.
Propagantiste-né, le Père Frédéric ne se contenta pas de
raconter le «prodige des yeux» à ses auditeurs, il en publia
le récit en première page du journal «la Presse» le 22 mai
1897.
«La statue, y
écrit-il, qui a les yeux entièrement baissés, avait les yeux
grandement ouverts: le regard de la Vierge était fixe: elle
regardait devant elle, droit à sa hauteur. L’illusion était
difficile: son visage se trouvait en pleine lumière, par suite
du soleil qui luisait dans une fenêtre et éclairait
parfaitement tout le sanctuaire. Ses yeux étaient noirs, bien
formés et en pleine harmonie avec l’ensemble du visage. Le
regard de la Vierge était celui d’une personne vivante; il
avait une expression de sévérité, mêlée de
tristesse.»
Ecoutons maintenant
Pierre Lacroix, l’handicapé, lui aussi témoin oculaire du
prodige:
«J’entrai dans la
chapelle vers 7 heures du soir, accompagné par monsieur
Désilets et le Père Frédéric. Je marchais supporté par eux.
Nous sommes allés nous placer à la table de communion … Après
avoir prié un moment, je levai les yeux vers la statue de la
sainte Vierge en face de moi. Immédiatement, je vis que ses
yeux étaient bien ouverts; d’une manière absolument vivante,
comme si elle regardait par-dessus nos têtes en direction des
Trois-Rivières. J’observai sans dire un mot. Alors, M.
Désilets qui était à ma droite, quitta sa place pour aller
rejoindre le Père Frédéric. Je l’entends demander: «Avez-vous
remarqué?»
«Oui, répondit le
Franciscain, la statue a ouvert les yeux, n’est-ce pas
?»
«Oui, dit M. le curé,
mais est-ce bien réel?»
«C’est à ce moment que
je leur dis que je voyais la même chose qu’eux depuis quelques
instants.»
Après avoir commandé
aux vents, aux flots, à la neige et à la glace, pour que lui
soit élevé un sanctuaire, Notre-Dame du Cap manifestait son
contentement d’y avoir été établie à demeure sous son vocable
Notre-Dame du Rosaire.
Pour le curé Désilets,
ces yeux ouverts de la Madone avaient leur langage: celui que
Dieu lui-même avait jadis tenu au roi Salomon:
«J’ai exaucé ta
prière et la supplication que tu m’as présentée. J’ai consacré
cet édifice pour y fixer mon nom à jamais; mes yeux et mon
coeur y seront perpétuellement» (I Rois 9,3.)
Le 22 juin 1888, à
sept heures du soir, Notre-Dame du Cap devenait de par la
volonté expresse de Marie, la Madone des Canadiens. (Rosario Desnoyers, O.M.I.)
Ce jour-là, lors de la
consécration du Sanctuaire à la Reine du Rosaire, en cette
fameuse journée où la statue ouvrit les yeux, le Père Frédéric
s’était écrié:
«Des pèlerins
viendront de toutes les familles de la paroisse; de toutes les
paroisses du diocèse; de tous les diocèses du Canada. Cette
petite Maison de Dieu sera trop petite pour contenir les
foules qui viendront invoquer la puissance et la munificence
de la douce Reine du Très Saint Rosaire.»
Une couronne
royale
En 1898, cinq cents Tertiaires franciscains de
l’Immaculée Conception de Montréal, offrent, à Notre-Dame du
Cap, au nom de leurs confrères irlandais, un magnifique coeur
en or et un très riche diadème. Le coeur et le diadème devront
être inséparables puisqu’ils signifient que Marie est Mère et
Reine. Le coeur est transpercé d’un glaive et surmonté d’un
lis, représentant le Coeur douloureux et Immaculé de
Marie.
Le diadème aura, en
1904, l’insigne honneur de servir au couronnement solennel de
la statue de Notre-Dame du Cap proclamée officiellement par
l’Eglise, la Madone des Canadiens.
Cette couronne d’or,
de platine et de diamants venus des milliers de bijoux offerts
par les Canadiens, est d’une valeur symbolique infiniment
supérieure à sa richesse matérielle. Les armoiries des dix
provinces de notre immense pays encerclent la base de cette
couronne et proclament Notre-Dame du Cap: Madone nationale de
tous les Canadiens.
C’est à Mgr Cloutier,
évêque de Trois-Rivières, de 1899 à 1934, que revint l’honneur
de l’approbation officielle et définitive du culte voué à
Notre-Dame du Cap. Il a officiellement déclaré miraculeux le
«pont de glace» de 1879 et reconnu le caractère surnaturel du
«prodige de yeux» de la statue.
Quand un pèlerinage,
marqué à sa naissance du sceau divin, s’anémie, s’étiole et
meurt, la faute n’en est pas à Dieu, mais aux prêtres trop peu
nombreux ou trop peu zélés.
Alors Mgr Cloutier a
confié la garde du sanctuaire aux Oblats de Marie
Immaculée.
1904, couronnement
de la Reine du Rosaire
Le cinquantenaire de
la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception crée un
climat d‘enthousiasme marial extraordinaire dans l’univers
catholique. Au Canada, les coeurs exultent de joie! Une
nouvelle vient d’être publiée: Le Pape va couronner Notre-Dame
du Cap.
Le couronnement
d’une statue revêt une très haute signification. Par ce geste,
le Vicaire de Jésus-Christ scelle de son autorité apostolique
le culte rendu à cette statue, les miracles qu’on lui
attribue, la renommée et la gloire dont on l’entoure. Seule la
statue de Notre-Dame de Guadaloupe, au Mexique, avait reçu cet
honneur dans toute l’Amérique.
La veille de la fête,
le Délégué apostolique Mgr Sbarretti présida à la procession
aux flambeaux.
Enfin se leva le jour
glorieux pour Notre-Dame du Cap. Jamais auparavant, le
Cap-de-la-Madeleine n’avait été témoin d’une aussi grande
affluence de pèlerins et d’un aussi grandiose
spectacle.
Le matin de cette
inoubliable journée, Son Excellence le Délégué Apostolique,
Mgr Sbarretti célébre la sainte Messe, entouré des
représentants de tout l’Episcopat canadien. Deux Archevêques,
celui d’Ottawa, Mgr Duhamel, et celui de Québec, Mgr Bégin,
exaltent, le premier en anglais et le second en français, les
gloires et les bienfaits de Notre-Dame du Cap.
Puis, c’est
l’instant palpitant entre tous. Monseigneur Cloutier, revêtu
des habits pontificaux, s’avance vers la Madone. Derrière lui
vient le bon père Frédéric portant sur un coussin de soie, la
couronne d’or, ornée de trèfles. L’Evêque bénit la couronne,
la prend dans ses mains et, au nom de Sa Sainteté le Pape Pie
X, la pose sur la tête de Notre-Dame du Cap. Au même moment
des salves de canon déchirent l’air, les cloches sonnent à
toute volée… La foule vit des moments d’indicible émotion...
Les coeurs se gonflent de joie, les yeux s’embuent de larmes.
Notre-Dame du Cap devient, par la Volonté du Vicaire du
Christ, La Reine du Canada, la Madone nationale des
Canadiens!
Pendant les cinquante années qui
suivirent notre Reine du Rosaire continua à attirer des foules
toujours plus nombreuses à ses pieds. La saison des
pèlerinages atteint son point culminant en août. Le 15 août
est célébré, au Sanctuaire, de façon grandiose.
Introduite au
Sanctuaire depuis longtemps, depuis le 5 juin 1898, alors que
le coeur fleuri d’un lis fut suspendu au cou de la Madone, la
dévotion au coeur immaculé de Marie n’a toutefois pris de
l’ampleur et du rayonnement qu’à partir de 1947. Cette
année-là, en effet, notre madone quitte le Cap-de-la-Madeleine
et commence une tournée à travers le pays. Partout sur son
passage, elle montre le lis de son coeur. Le peuple comprend
son message et se consacre au Coeur immaculé de
Marie.
Lors du voyage de
Notre-Dame du Cap vers Ottawa, en 1947, plus d’un million de
canadiens ont récité avec ferveur la prière de Pie XII
consacrant le genre humain au Coeur Immaculé de Marie, ont
signé cette consécration et l’ont déposé au pied de notre
Madone pendant que la foule chantait avec
conviction:
«A votre coeur, ô
Mère,
«Je veux me consacrer;
«C’est le désir du Très
Saint Père,
«Votre message au monde entier.»
Ce coeur de Notre-Dame
du Cap nous enseigne le plus bel amour du plus beau des
coeurs; celui de notre Mère du Ciel.
L’apothéose; Année
mariale 1954
L’année mariale
célébrée avec ferveur dans tout le Canada, atteignit son
apogée au Cap-de-la-Madeleine, où la nation entière s’était
donné rendez-vous, au pied de la Reine du Rosaire.
Le centenaire de la
proclamation du dogme de l’Immaculée Conception coïncidait en
effet, chez-nous avec le «jubilé d’or» du couronnement de
Notre-Dame du Cap.
Longtemps à l’avance,
les Oblats de Marie Immaculée, gardiens attitrés du Sanctuaire
de Notre-Dame du Cap, préparèrent les célébrations de ce
glorieux anniversaire.
A Son Excellence Mgr
Georges-Léon Pelletier, évêque de Trois-Rivières, revient le
mérite et la gloire d’avoir sollicité et obtenu de Rome non
seulement un nouveau couronnement de Notre-Dame du Cap, mais
aussi un Légat a latere et un message par radio du Vicaire de
Jésus-Christ au peuple canadien.
D’une voix unanime et
enthousiaste, les évêques du Canada, de Terre-Neuve à la
Colombie Canadienne, répondirent à l’invitation conjointe de
l’Evêque de Trois-Rivières et des Gardiens du Sanctuaire de
Notre-Dame du Cap: tous seraient présents.
Dans les dix jours qui
précédèrent immédiatement le couronnement, chacune des dix
provinces du Canada eut sa journée officielle aux pieds de
Notre-Dame du Cap. Se pouvait-il plus éloquente proclamation
du caractère national de notre Madone?
Enfin se leva le jour
tant désiré! Tout le pays «d’une mer à l’autre», en ce quinze
août mil neuf cent cinquante-quatre, est représenté au pied de
sa Reine et se joint au Vicaire du Christ, le Pape.
«En effet, Sa Sainteté
Pie XII, par son envoyé personnel, rassemble dans son coeur
toute la nation canadienne pour la présenter au divin Maître
par les mains très pures de Marie Immaculée.
Ils sont en foule ce
matin-là les pèlerins du 15 août. Avec joie et confiance on
envahit le Sanctuaire de Notre-Dame du Cap dont les terrains
seront bientôt bondés de pèlerins pieux et attentifs. Dès 9
heures, il n’y a plus d’espace libre. Soixante confesseurs
succèdent aux deux-cents de la nuit.
Quelques minutes avant
dix heures, le cortège s’ébranle du Monastère des Oblats. En
tête, le célébrant, Son Eminence Révérendissime le Cardinal
Vallerio Valeri. Le légat s’avance en souriant, escorté de sa
cour, au milieu de deux rangées de zouaves pontificaux et
suivi des deux Cardinaux et de tous les évêques du
Canada.
La messe de
l’Immaculée Conception débute dans la sérénité toute
spirituelle. A l’issue de la messe, Son Ém. le cardinal Légat,
par privilège du Saint-Père, donne la bénédiction apostolique
à tous les fidèles assistants et leur accorde l’indulgence
plénière.
Les organisateurs de
cette journée inoubliable ont eut l’idée d’une parade
précédant la cérémonie du couronnement. Un défilé de chars
allégoriques illustrait les épisodes locaux ou nationaux
d’histoire mariale et formait une escorte grandiose à la
Madone dans cette marche vers l’autel de son triomphe. Le
Nouvelliste écrivait dans son édition du 16 août, «Jamais de
mémoire d’homme, on a vu pareille démonstration à
Trois-Rivières.»
La cérémonie du
couronnement eut lieu au Parc de l’exposition de
Trois-Rivières. Le trône tout blanc sur lequel on plaça la
statue miraculeuse était encadré par un arc qui portait à 35
pieds dans le ciel les mots: FULGENS CORONA et A Mari USQUE AD MARE,
devise du congrès marial qui se déroulait en ferveur et en
splendeur depuis dix jours. Fixés au bord de la marquise et
garnis des drapeaux papal et marial, les blasons des dix
provinces proclamaient avec éloquence la royauté de Notre-Dame
sur le peuple canadien.
A 3h30, la foule
n’avait pas cessé de grossir depuis la matinée. Le cortège
d’honneur de la madone, une alternance de chars allégoriques
et de gardes paroissiales, défilèrent pendant deux heures
devant l’estrade, sous le regard émerveillé des
fidèles.
Des applaudissements
prolongés marquèrent l’arrivée du char du couronnement. Le
Légat du Pape, entouré des membres de la mission pontificale
et des deux cardinaux, Léger et McGuigan, et les Evêques
revêtus de la chape et portant la mitre montèrent
majestueusement sur l’estrade.
Le rituel du
couronnement comportait en premier lieu le message
radiodiffusé du Saint-Père. Après avoir exalté les grandeurs
de la très Sainte Vierge et proclamé la continuité de sa
protection sur l’Eglise du Canada, Sa Sainteté Pie XII
exhortait les fidèles à une vigilance constante dans
l’exercice de leur devoir religieux, à l’accomplissement
énergique et intégral de leurs obligations sociales en tant
que citoyens catholiques.
«Nous vous
choisissons et nommons notre légat, avait écrit S.S. le Pape
Pie XII, à S. Eminence le cardinal Valerio Valeri, pour que,
au Sanctuaire de Notre-Dame du Cap, dans le diocèse de
Trois-Rivières, au Canada, en Notre nom et par Notre autorité,
vous orniez d’une couronne d’or l’insigne statue de la
Madone.»
Après avoir bénit la couronne,
le Légat du Pape la prit et la déposa solennellement sur la
tête de la Reine du Rosaire, Reine des Canadiens, pendant
qu’éclatait de toute part le chant du Regina Coeli (Reine du
Ciel).
Le Légat entonna le Te
Deum. Puis les cardinaux et archevêques de Toronto et de
Montréal, lurent, dans les deux langues officielles du pays,
l’acte de consécration du Canada au Coeur Immaculé de
Marie.
Par ordre de
séniorité, archevêques et évêques vinrent présenter leurs
crosses à Notre-Dame du Cap, Reine et gardienne de l’autorité
spirituelle dont sont investis les premiers pasteurs des
diocèses.
Puis les Cardinaux
canadiens prononcèrent de vibrants discours sur la portée
sociale et spirituelle de la dévotion à Marie.
Et le dernier mot fut
réservé à Son Ém. le Cardinal Valerio Valeri: «exhortation à
tous et à chacun de demeurer loyaux serviteurs de Marie; voeux
pour le salut et la prospérité de la nation.» Son Eminence
donna ensuite la bénédiction papale.
Enfin suivie d’un
immense cortège au milieu des chants, des prières et des
acclamations le char de la Reine retourne triomphalement à sa
demeure du Cap, qu’Elle-même s’est si judicieusement
choisie.
La foule se dispersa
et Notre-Dame est revenue sur son autel du petit sanctuaire en
Reine doublement couronnée, en Mère doublement aimée».
La couronne que porte
habituellement Notre-Dame du Cap, est celle du couronnement de
1904. Aux grandes solennités, elle portait le diadème du
deuxième couronnement papal de 1954, photographiée ci-contre.
Mais, malheureusement, il y a quelques années des mains
sacrilèges se sont emparé de ce trésor.
Pour cet article, nous nous
sommes servis de trois beaux livres: l’un dont l’auteur a
signé «Un gardien du Sanctuaire»; le deuxième, par le Père
Rosario Cournoyer, o.m.i., imprimatur Mgr Arthur Douville,
évêque de St-Hyacinthe, 8 septembre 1958; le troisième, par
James G. Shaw © 1954. Les trois livres portent le titre
«Notre-Dame du Cap».
Que Notre-Dame
du Cap, Reine du Rosaire, Reine du Canada, daigne faire
refleurir l’Eglise au Canada comme au temps de son glorieux
couronnement!