Le Pape de grandes
réalisations
Le 16 octobre 2003 marque le
25e anniversaire de l’élection de S.S. Le Pape
Jean-Paul II sur le trône de Pierre. Son règne est
le quatrième en longueur de temps, après celui de
saint Pierre, 34 ou 37 ans; celui de Pie IX (1846 à 1878),
31 ans et 7 mois; et celui de Léon
XIII (1878 à 1903) 25 ans et 5 mois. Pour S.S.
Jean-Paul II, encore vivant après 25 ans, par la
grâce de Dieu, en avril 2004, la longueur de son
règne est passée au troisième rang. Il est le 264e
successeur de saint Pierre.
Des faits marquants de sa laborieuse vie:
sa naissance fut prophétique. Il survécut
miraculeusement aux balles reçues du revolver de
l’assassin. L’attentat contre sa vie semble être
la réalisation de la prédiction du troisième
secret de Fatima. Il a vraiment
été continuellement en relation avec la sainte
Vierge d’une manière unique. Il a écrit des
lettres encycliques comme aucun Pape ne l’a fait
dans le passé. Il a écrit «La Splendeur de la
Vérité». Il s’est tenu dans la tradition au milieu
du tourbillon du modernisme. Il a dirigé la
rédaction du nouveau catéchisme. Il a canonisé
plus de saints (469 saints, 1,314 bienheureux) que
tous les Papes dans l’histoire du christianisme.
Il fut un exemple pour des centaines de futurs
prêtres.
Il a visité plus de nations que tout autre
pontife. Il lutte fermement contre les
manipulations génétiques, etc.
En date de juin 2003, en
vingt-cinq ans de pontificat, le Souverain Pontife
a accompli 102 voyages
apostoliques dans 129 pays différents, pour un
nombre total de 203 pays visités, (si l’on
considère les pays visités de nouveau): il s’est
rendu dans 614 localités différentes. Il a
prononcé 2 399 discours. Il a passé 575 jours en
voyage. Il a parcouru 1 160 113 kilomètres.
«En effet, dit le Saint-Père,
depuis le jour de mon élection comme évêque de
Rome, le 16 octobre 1978, a retenti dans mon coeur
avec une intensité et une urgence particulières,
le commandement de Jésus: “Allez dans le monde
entier, proclamez l’Evangile à toute la création.”
(Mt 16, 15). J’ai donc ressenti le devoir d’imiter
l’Apôtre Pierre qui “passait partout” (ac 9, 32)
pour confirmer et consolider la vitalité de
l’Eglise dans la fidélité à la Parole et dans le
service de la vérité; pour “dire à tous que Dieu
les aime, que l’Eglise les aime, que le Pape les
aime; et pour recevoir, tout autant, d’eux
l’accomplissement et l’exemple de leur bonté et de
leur foi.”
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Karol, 4
novembre 1922 |
A l’école de la souffrance Naissance et
enfance
Karol Josef Wojtyla naquit à Wadowice, le
18 mai 1920. Au moment de sa naissance, la mère, Mme Wojtyla,
(Emilia Kaczorowska), a demandé à la sage-femme d’ouvrir la
fenêtre, afin que les premiers sons sortant de la bou- che de son
nouveau-né s’envolent vers le ciel, comme une mélodie en
l’honneur de la Vierge Marie. La chambre du bébé naissant, se
trouvait juste en face de l’église Notre-Dame de Wadowice, où
au même moment on célébrait les Vêpres en l’honneur de Marie,
en ce mois de mai. Ainsi, les premiers sons que le Pape
entendit à sa naissance, furent des hymnes à Marie.
Le 13 avril 1929, il revenait de
l’école, on vint
lui annoncer, sans ménagement, la mort de sa sainte mère. Il
avait 8 ans.
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La mère et le
père de Karol Wojtyla et son frère
Edmund |
En 1930, son seul frère, Edmund, son aîné,
avait obtenu son diplôme de médecin. Le 5 décembre 1932, sans
aucune préparation encore, on vint prévenir Karol que son
frère bien-aimé était mort d’une scarlatine qu’il avait
contractée en soignant une patiente.
Il n’avait plus que son père, qui portait
aussi le nom de
Karol Wojtyla. Ce dernier s’employa à lui donner la
meilleure éducation possible. Réveil à 6 heures, petit
déjeuner, messe à l’église paroissiale, l’enfant servait la
Messe, école de 8 à 14 heures, récréation, retour à l’église
en fin d’après-midi, devoirs et leçons, souper, et promenade
en compagnie de son père. Il priait ensemble. Il jouait
ensemble.
La guerre, 1939
Karol Wojtyla se trouvait dans l’ancienne
cathédrale des rois de Pologne, quand les premières bom bes
tombèrent sur Cracovie. C’était le premier septembre 1939.
Comme chaque premier vendredi du mois, il était venu se
confesser et recevoir la communion.
Le prêtre resté seul avec le jeune homme,
demanda à ce dernier de servir la messe. «Il faut célébrer la
Messe malgré tout, dit-il. Il faut prier Dieu d’épargner la
Pologne.»
L’invasion de la Pologne fut brutale et
terrible. Dès le 6 septembre, les Nazis occupaient Cracovie.
Le 23 septembre, Varsovie capitulait.
Ce fut le commencement d’une vie de
privations et de terreur pour Karol Vojtyla et les Polonais,
dans la Pologne occupée: les files d’attente pour le pain, la
quête épuisante du sucre, marchandages pour se procurer un peu
de charbon pour l’hiver.
Un maître en spiritualité et le Rosaire
Vivant
 |
Jan
Tyranowski |
Ce fut pendant ces premiers mois de
l’humi- liation nationale de 1940, que Karol Wojtyla fit la
connaissance de Jan Tyranowki. Ce dernier était tailleur et
vivait seul. Il passait la grande partie de son temps à
recruter des jeunes gens pour une association religieuse
secrète qu’on appelait: le Rosaire Vivant. Les 15 mystères qui
composent le Rosaire étaient représentés par 15 jeunes gens.
La représentation du Rosaire Vivant commençait après la
récitation normale du Rosaire: C’est sans doute en jouant ces
mystères du Rosaire que Karol Wojtyla a développé des talents
d’acteur et son grand amour pour le saint Rosaire. Les pieux
jeunes gens de ce groupe s’engageaient à suivre le
commandement du Christ d’«aimer Dieu et le prochain» par
dessus tout.
Le maître recommandait à ses protégés la
lecture des derniers livres de théologie parus et il les
guidait sur le chemin de la sainteté en les imprégnant des
écrits de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse d’Avila.
Tyranowski était un véritable éducateur.
Karol Wojtyla
avait trouvé en lui un guide patient, doux, mais ferme et
tenace. Tyranowski avait comme devise: Chaque instant doit
servir à quelque chose. Cette idée allait devenir l’une
des caractéristiques les plus marquantes de la vie et de l’oeuvre du
futur Pape.
Tyranowski exigeait que ses disciples
tiennent soigneusement un journal de chaque action de leur
journée, afin de savoir s’ils avaient bien rempli leurs
obligations quotidiennes.
Chaque semaine, notre futur Pape se
rendait chez son maître et devait lui lire ses notes et lui
rendre compte de tout ce qu’il avait fait. Les grandes
qualités que possède Karol Wojtyla et qui ont émerveillé son
entourage, lorsqu’il fut professeur, évêque, puis Pape,
semblent découler de cette austère formation qu’il a reçue de
Tyranowski. Même épuisé par l’âge et la maladie, le Saint-Père
continuera à démontrer une indéfectible volonté, une capacité
de résistance face à la maladie et une ardeur au travail qui
pourrait épuiser les plus dévoués de ses collaborateurs.
Le jeune homme ne renonça jamais à dire
ses prières.
Tyranowski n’utilisait jamais la force, mais la
persuasion. Il montra à Karol Wojtyla: «La révélation d’un
univers nouveau, par ses paroles, sa spiritualité et l’exemple
d’une vie entièrement consacrée à Dieu et, à lui seul, il
représentait un monde nouveau que je ne connaissais pas
encore. Je vis la beauté d’une âme révélée par la grâce», dit
plus tard le Saint-Père, en parlant de son maître
Tyranowski.
«Une partie de ce monde nouveau se
trouvait dans les écrits de saint Jean de la Croix. Dans ses
poèmes et ses commentaires, Tyranowski, ce poète mystique,
enseignait comment aller à Dieu par la contemplation et en se
défaisant presque brutalement de tout attachement terrestre et
de tout bien matériel. Il enseignait comment abolir
impitoyablement le «moi», et créer en soi un vide que Dieu
viendrait combler de sa splendeur, aussitôt.»
«C’est une lutte quotidienne contre
toi-même: Lutte pour te plier, non pas au plus facile, mais au
plus difficile, non pas à ce qui te paraît le plus agréable,
mais le plus
désagréable... non pas à ce qui console, mais à ce qui te
laisse inconsolé. Dieu se réjouit de te voir prêt à affronter
la souffrance et la privation par amour pour Lui, il préfère
cela à toutes les consolations, les visions spirituelles, et
les méditations.»
Travail en usine
Les nazis exigeaient que les jeunes gens
travaillent en usine. Karol Wojtyla fut employé à l’usine
Solvay.
En 1982, lors de l’un de ses voyages en
Afrique, Jean-Paul II évoqua ce temps, qu’il regarde comme
«une grâce dans sa vie», d’avoir travaillé en usine, dans
une carrière, ajoutant que: «Cette expérience de la vie en
carrière, avec tous ses aspects positifs et ses misères, aussi
bien que les horreurs de la déportation de mes compatriotes
polonais dans les camps de la mort, ont profondément marqué
mon existence.»
La mort de son père
Le 18 février 1941, en revenant de son
travail, Karol Wojtyla eut la douleur de trouver son père
bien-aimé sans vie. «A 20 ans, disait-il, j’avais déjà
perdu tous ceux que j’aimais.»
La mort de son père le précipita encore
plus profondément dans ses réflexions mystiques et
philosophiques. Chez les Kydrynski, où il s’était installé
pour six mois, on le voyait souvent absorbé dans la prière,
étendu sur le sol, les bras en croix.
Devant la brutalité des nazis, Karol
Wojtyla disait: «La prière est la seule arme qui
vaille». Telle était sa pensée qui fut la même tout au
long de ces années d’occupation. La prière et la confiance en
Dieu étaient ses seules armes pour combattre le mal et la
violence.
Le Rosaire Vivant s’était développé.
Tyranowski avait fait des quinze premiers disciples des chefs
de groupe, et chacun de ces groupes comptaient une quinzaine
de membres. Le Rosaire Vivant marquait l’âme et la rapprochait
de Dieu.
A la suite du Rosaire Vivant, Karol Wojtyla et des
amis ont fondé le Théâtre Vivant pour représenter la
vie des saints et édifier la jeunesse. Karol Wojtyla était un
artiste né. Il incarnait si bien le personnage qu’il
représentait, que personne ne doutait qu’il fasse sa carrière
du théâtre. Cependant, un jour il a quitté ses belles
activités artistiques pour devenir prêtre. Le dernier rôle
qu’il interpréta, avec un talent insurpassable, fut le roi
Boleslaw, le roi qui tua de sa main l’évêque saint Stanislas.
«Je veux être prêtre»
A l’automne 1942, Karol se rendit à la
résidence de l’archevêque Sapieha et lui dit: «Je veux être
prêtre.»
Il demanda au directeur du théâtre de ne
plus lui confier de rôle. Il se consacrerait désormais
exclusivement au Dieu Vivant, et le «seul drame qu’il jouerait
à l’avenir est celui du sacrifice du Christ.»
Le cardinal Sapieha avait mis sur pied un
séminaire clandestin, afin de pouvoir remplacer les pauvres
prêtres et religieux qui deviendraient martyrs du régime. En
effet, 1932 prêtres, 850 moines, 290 religieuses allaient
mourir pendant la durée du conflit.
En rejoignant les rangs des séminarites
clandestins du Cardinal Sapieha, Karol Wojtyla entrait dans un
système bien organisé. Chaque étudiant était suivi par un
professeur. Les étudiants avaient pour instruction de ne rien
changer à leurs activités. L’archevêque témoignait une
attention particulière au jeune Wojtyla, il l’invitait à
servir la messe à la chapelle de l’archevêché et, souvent, ils
prenaient le petit déjeuner ensemble.
Karol Wojtyla continuait à travailler à
l’usine Solvay et il habitait toujours chez lui. Il préférait
travailler en équipe de nuit, car il pouvait profiter du calme
qui régnait dans l’usine pour s’isoler plus facilement. Ses
collègues le voyaient s’agenouiller, aux alentours de minuit.
Certains se moquaient de lui et l’appelaient le «petit prêtre»
et ils le bombardaient de morceaux d’étoupe ou d’autres
rebuts, pendant qu’il était en prière. Il ne s’en offusquait
pas.
Il continuait à lire son bréviaire et
un autre livre, qui devait avoir une profonde influence sur
lui: Le Traité de la vraie dévotion à la Très sainte Vierge
Marie, de saint Louis Grignion de Montfort.
Il eut plus de difficulté avec le
volumineux manuel de philosophie que son directeur
d’étude lui donna
à étudier: Théologie naturelle, par le Père Kazimierz. Le
livre était pour lui comme un bloc de granit. «Je m’asseyais
près de la chaudière et j’essayais de comprendre quelque
chose, j’en ai pleuré», dit le jeune séminariste. Après deux
mois, il put déclarer: «Ce livre m’a finalement ouvert un
monde entièrement nouveau. Il m’a montré une nouvelle approche
de la réalité, et il m’a fait découvrir des problèmes que je
n’avais juste qu’entrevus alors.»
Un pape philosophe était né parmi les
tuyaux et chaudières de l’usine Solvay. disent ses biographes.
Il faisait chaque jour une longue
marche pour se rendre sur la tombe de son père et, le soir, il
se jetait souvent sur le sol de sa chambre pour prier pendant
des heures.
Le 1er août 1944, ce fut la grande révolte
de Varsovie. Les SS de la Gestapo passèrent les rues des
villes au peigne fin. Karol Wojtyla était dans sa chambre
minuscule. En entendant les cris des soldats allemands, il se
mit à prier, étendu sur le sol. Il entendit les soldats monter
l’escalier; mais dans leur précipitation, ils passèrent devant
la porte sans le voir. Plus de 200,000 personnes y ont laissé
leur vie dans ce massacre.
Fin de la guerre
Le premier mai 1945, ce fut la fin de la
guerre avec les nazis. Mais ce ne fut pas une libération pour
la Pologne. Elle fut trahie par le traité de Yalta et concédée
par nos «Grands» à l’Empire soviétique. Du joug des nazis,
elle est tombée tout de suite sous le joug des communistes qui
furent plus barbares encore.
Karol Wojtyla demanda la permission à Mgr
Sapieha d’entrer chez les Carmes. L’archevêque répondit:
«La guerre est finie, nous manquons de prêtres, et nous
avons terriblement besoin de Karol Wojtyla dans le diocèse»,
puis il ajouta: «et plus tard, c’est l’Eglise tout entière qui
aura besoin de lui.»

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L'abbé Karol
Wojtyla, jeune
prêtre |
Le 1er novembre 1946, jour de la Fête de
tous les Saints, dans la chapelle de l’évêché, le Cardinal
Sapieha ordonna Karol Wojtyla prêtre.
Son ancien maître, le Père Kazimierz
Figlewicz, était
chargé de guider le nouveau prêtre pendant la
célébration de la Messe et de le soutenir alors qu’il est
confronté, pour la première fois, à la formidable puissance
qui s’exprime dans la transformation du pain et du vin, au
Corps et au Sang du Christ.
Le lendemain, il célébra sa première messe
dans la cathédrale de Wawel. «Fecit mihi magna» «il a fait pour moi de
grandes choses», écrira-t-il sur sa carte de remerciements
offerte à ses amis.
En juin 1948, l’abbé Wojtyla revenait de
Rome après deux années d’étude sur la philosophie de saint
Thomas d’Aquin et des mystiques espagnols, pour retrouver une
Pologne en pleine transformation par les communistes. Les
activités de l’Eglise polonaise étaient circonscrites.
Le jeune prêtre fut nommé à la paroisse
rurale de Niegowici, à 50 kilomètres de Cracovie. Là dans ce
petit village, l’abbé Wojtyla vit pour la première fois le
stalinisme à l’Oeuvre. La police secrète voulait démanteler
l’Association des jeunes catholiques, et la remplacer par la
section des jeunes socialistes.
En mars 1949, l’archevêque Sapieha rappela
l’abbé Wojtyla à Cracovie, à la paroisse universitaire de
St-Florian. Quelque cinquante ans plus tard, Jean-Paul II
devait reconnaître que l’expérience la plus remarquable de ses
débuts avait été de découvrir l’importance primordiale de la
jeunesse. «C’est une période de la vie donnée par la Providence à
chacun et donnée comme une responsabilité, dit-il. Pendant
cette période, le jeune ne cherche pas seulement un sens à la
vie, mais aussi une façon concrète de vivre cette vie, il veut
exister par lui-même.» Tout pasteur doit reconnaître cette
caractéristique en chaque jeune garçon et en chaque jeune
fille. «Il doit aimer cet aspect fondamental de la
jeunesse.»
Karol Tarnowski, alors étudiant, se
souvient de la façon dont l’abbé Wojtyla entendait ses
confessions. Elles duraient parfois plus d’une heure. «il
savait écouter et il était prêt à répondre à d’innombrables
questions.»
«Le moment de la confession est le
couronnement de notre activité apostolique», dit le Pape. «Il
s’agit donc de savoir si on peut préserver les valeurs
apostoliques. Faute d’une vie intérieure profonde, le prêtre
se transformera peu à peu en bureaucrate, et son apostolat, en
routine paroissiale, uniquement consacré aux problèmes du
quotidien.»
En octobre 1954, le gouvernement marxiste
polonais fermait la faculté de théologie de l’université
Jagellon où Karol Wojtyla donnait des cours sur l’éthique
chrétienne. L’université catholique de Lublin, où l’abbé
Wojtyla entra dans le même mois, était la seule
université dirigée par l’Eglise catholique, sur l’immense
territoire dominé désormais, à travers le monde, par les
successeurs de Staline et de Mao.
Le climat politique en Pologne s’était
beaucoup assombri. Les autorités venaient d’arrêter le recteur
de l’université et neuf prêtres enseignants. L’archevêque de Cracovie, Mgr
Baziak, successeur de Monseigneur Sapieha, était en prison
tout comme le curé de Saint-Florian. Un prêtre qui s’occupait
à Cracovie de l’association du Rosaire Vivant et de
l’association des jeunes catholiques avait été condamné à
mort. En septembre 1953, le Cardinal Wyszynski lui-même fut
arrêté, il s’était violemment opposé à la nouvelle
Constitution polonaise, qui renforçait l’emprise communiste et
supprimait une grande partie des droits depuis longtemps
reconnus à l’Eglise. Des journaux catholiques avaient été interdits
pour avoir refusé d’insérer, dans leurs colonnes, l’annonce du
décès de Staline, survenu le 5 mars 1953.
En 1956, Wladislaw Gomulka, un communiste
antistalinien, qui venait de passer 8 ans en prison, parvint
au pouvoir. De nombreux prisonniers politiques polonais, dont
le Cardinal Wyszynski, furent libérés.
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Archevêque de
Cracovie |
Karol Wojtyla, évêque
Le 8 juillet, le Cardinal Wyszynski fit
venir l’abbé Wojtyla à son bureau. Il lui présenta une lettre
intéressante venant du Saint-Père. Il la lui fit lire:
«A la demande de Mgr Basiak,
archevêque, je nomme le père Karol Wojtyla, évêque auxiliaire
de Cracovie. Ayez l’amabilité de me notifier votre
accord.»
«Acceptez-vous cette nomination?»
«Où dois-je signer?» répondit le jeune
prêtre, sans hésitation.
Le 28 septembre 1958, le Père Karol
Wojtyla fut consacré évêque dans la cathédrale de Varsovie.
Le
9 octobre, le Pape Pie XII mourait. Le 28 octobre, le
Cardinal Angelo Giuseppe Roncalli, était élu Pape et il prit
le nom de Jean XXIII.
Moins de 3 mois plus tard, le nouveau Pape
convoqua le Concile oeuménique. Le jeune prélat, Mgr Wojtyla,
était parmi les 2594 invités.

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Mgr Wojtyla
portant la chasuble offerte par la Reine Anna
Jagellon |
Mgr Wojtyla devint archevêque de Cracovie,
le 30 décembre 1963. Le 8 mars 1964, il faisait une entrée
triomphale dans la cathédrale de Wawel. Il avait choisi, pour
l’occasion, une tenue vestimentaire dont le symbolisme frappa
d’admiration la foule. Il portait une chasuble offerte, au
Moyen Age, par la Reine Anna Jagellon; un pallium offert au
XVI siècle par la Reine Jadwiga; sa mitre avait été porté au
XVIIe siècle par l’évêque Andrzej Lipski, et sa crosse datait
du règne de Jean Sobieski. Son anneau était celui du 4e
successeur de saint Stanislas, Mgr Marutitius, mort en 1118.
Cette tenue somptueuse représentait
1000 ans d’histoire de la Pologne. Elle ne manifestait pas
simplement un respect pour la tradition; elle était une façon
de rappeler aux fidèles, et aux «infidèles» au pouvoir, que
l’Eglise de la Pologne était la nation, et que sans l’Eglise
l’histoire de la Pologne n’existait pas.
Et voici que Mgr Wojtila devenait, dans
cette cathédrale où il avait entendu exploser les premières
bombes nazies, le successeur de saint Stanislas, évêque du
Moyen Age, assassiné par son roi. En célébrant le Saint
Sacrifice devant le tombeau de l’évêque martyr, il s’affirmait
prêt à verser son sang, comme Stanislas, pour la défense de la
foi.
Les autorités communistes se sont réjouis
de la nomination de Mgr Wojtyla, croyant qu’il serait plus
malléable que le Cardinal Wyszynski. Un dissident de l’église
catholique, le Père supérieur bénédictin, était emprisonné à
Gdansk, il reçut la visite du commandant de la prison: «Nous
venons de recevoir une excellente nouvelle, Wojtyla a été
nommé métropolite de Cracovie. Trois mois plus tard, il revint
dans la même cellule et dit: «Ce Wojtyla nous a
trompés.»
L’archevêque de Cracovie ne se laissait
pas séduire par les tendances progressistes, voire gauchistes,
qui gagnaient même certains milieux religieux, et dans
lesquels nombre de Cardinaux de la curie discernaient le
redoutable courant de la sécularisation et du marxisme.
«Le contrôle de soi-même est la pierre de touche de la
valeur d’une personne», disait Mgr Wojtyla à ses
ouailles.
Retraite à Rome
En 1976, le cardinal Wojtyla fut nommé par
Paul VI pour diriger les exercices spirituels du Carême pour
les membres de la curie et de la maison du Pape. Ce qui fit
connaître aux Cardinaux de Rome, la profondeur de sa
spiritualité et la largeur de ses vues.
Le Cardinal Wyszynski avait l’assurance
qu’avec cet homme, sa succession serait entre bonne main. Le
cardinal Wojtyla deviendrait primat de Pologne.
Lorsque le Pape Paul VI est mort, le 26
août l978, le Collège des cardinaux, dont le Cardinal Wojtyla
faisait bien entendu partie, se réunit en conclave au Vatican
pour élire le nouveau Pape. Le choix se porta sur Mgr Albino
Lucciani, patriarche de Venise. Il prit le nom de Jean-Paul
Ier.
Le 29 septembre 1978, consternation
générale au
Vatican, le nouveau Pape venait de mourir subitement.
Le 1er octobre le Cardinal Wojtyla a
célébré, en l’église Sainte-Marie de Cracovie, une messe pour
le défunt. Le lendemain, il partit pour Rome. Tout le monde
avait la profonde impression qu’il ne reviendrait pas en
Pologne.
Le Pape Jean-Paul II

Première bénédiction du
nouveau Pape, le 16 octobre 1978
Le 16 octobre 1978, le conclave, au
septième tour du scrutin, élisait, comme successeur au trône
de Pierre, le Cardinal polonais, Karol Wojtyla. Sur les cent
huit cardinaux-électeurs, quatre-vingt-dix-neuf lui avaient
accordé leurs voix. C’était le premier pape non italien
depuis quatre
cent cinquante ans. Un jeune pape de cinquante-huit ans. Il
devenait le berger d’un troupeau de neuf cents millions de
catholiques.
Le Cardinal, président du scrutin lui posa
la question: «Acceptez-vous, quel nom prenez-vous?»
Il répondit: «Oui, fidèle, à ma foi en
Notre-Seigneur Jésus-Christ, en me confiant à Marie, Mère du
Christ, et à l’Eglise, j’accepte, en dépit des grandes
difficultés que je rencontrerai.»
Il prit le nom de Jean-Paul
II.
Tandis qu’il parlait, un tressaillement de
joie parcourait le conclave. L’un après l’autre, les cardinaux
allèrent rendre hommage au nouveau Pape en s’agenouillant
devant lui.
Lorsque vint le tour du vénéré cardinal
Wyszynski (photo de gauche), Jean-Paul II se leva de
son siège, il empêcha le Cardinal de s’agenouiller et le prit
par les épaules et le releva. Le solide Cardinal, lutteur
contre le communisme, se tenait dans les bras du Pape comme un
enfant. Jamais, dans l’histoire, la Pologne avait été ainsi
honorée.
Puis, Jean-Paul II revêtit la soutane de
Pape et se dirigea vers le grand balcon de la basilique pour donner sa
bénédiction urbi et orbi — pour saluer le peuple de Rome et le
monde entier.
Lorsque la foule entendit le Pape polonais
s’exprimer avec aisance en italien, il fut acclamé avec un
enthousiasme sans bornes.
En Pologne, la nation entière était au
comble de l’exaltation. Aux yeux des fervents catholiques,
c’était un don de Dieu et de la Vierge Marie, pour la Pologne.
Mais les membres du gouvernement
communiste étaient dans la consternation. «Wojtyla va nous
tirer les oreilles», dit l’un d’eux.
Le 22 octobre, lorsque le «choisi de Dieu»
arriva Place Saint-Pierre pour célébrer la messe de
l’inauguration de son pontificat, il semblait pleinement
investi de la mission que Dieu lui avait confiée. 200,000
personnes se pressaient sur l’immense place.
En regardant les images transmises par
satellite, les croyants de cent pays différents assistaient au
rituel solennel par lequel l’Eglise catholique romaine élève
un homme à la dignité suprême de Pasteur de l’Eglise
universelle. Pour la première fois, S. S. le Pape Jean-Paul II
prenait place sur son trône pontifical.
Aux accents de la litanie des Saints, le
Cardinal-diacre, Pericle Felici, plaça sur les épaules du Pape
le pallium sacré, ornement en laine blanche, brodé de croix
noires, emblème du pouvoir pontifical. Il prononça la formule
d’investiture:
«Béni soit Dieu, qui t’a fait pasteur
de l’Eglise universelle en te confiant la mission apostolique.
Que ta gloire resplendisse pendant de longues années de vie
terrestre, jusqu’au jour où, appelé par ton Seigneur, tu seras
vêtu d’immortalité en entrant au royaume des cieux.
Amen»
«Amen» répétèrent 117
cardinaux de la Sainte Eglise catholique apostolique et
romaine. Se levant de leurs sièges, ils s’avancèrent en file
pour embrasser l’anneau du Pape en témoignage d’obéissance.
Lorsque le cardinal Wyszynski s’agenouilla pour lui rendre
hommage, le pape serra le vieux primat dans ses bras. Le
cardinal incarnait l’histoire héroïque de l’Eglise polonaise,
sa résistance contre les envahisseurs, son farouche combat
contre l’athéisme.
Le thème principal du premier sermon de
S.S. le Pape Jean-Paul II fut: «Le Christ».
«Chers frères et soeurs, n’ayez pas
peur de vous ouvrir au Christ et d’accepter sa puissance.
Aidez le Pape et tous ceux qui désirent servir le Christ et,
avec la puissance du Christ, aidez la personne humaine et le
monde entier. N’ayez pas peur. Ouvrez larges les portes au
Christ. Par sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des
Etats, de l’économique et des systèmes politiques, le vaste
champs de la culture, de la civilisation et du développement.
N’ayez pas peur, le Christ sait «qu’est-ce qu’un homme». Lui
seul le sait.» (22 octobre 1978, à la messe d’inauguration
de son pontificat). La voix forte et profonde du Saint-Père
frappaient comme le tonnerre dans les oreilles de la foule. Le
nouveau Pape
était déterminé à reconquérir le monde au Christ!
Dès les cent premiers jours de son
pontificat, Jean-Paul II a indiqué clairement la voie dans
laquelle il comptait s’engager. Lors de ses audiences et
réunions, il présentait son programme con cernant l’Eglise. Il
se fit le champion du célibat des prêtres. Aux religieuses, il
insista sur la nécessité de porter le voile, un important
signe qui rappelle la vocation. Aux canadiens, il parla de
la nécessité de la confession individuelle. Il rappela aux
membres du secrétariat pour l’union des chrétiens que le
mouvement oecuménique ne progresserait pas en faisant des
compromis avec la vérité. Il réaffirma le caractère
indissoluble du mariage et il critiqua le gouvernement italien
qui venait de légaliser l’avortement. Il a dit «NON» à
l’ordination des femmes, en rappelant que la Sainte Vierge a
préféré se tenir au pied de la croix.
Jean-Paul II plut à la foule parce qu’il
parlait avec force et conviction. Il s’exprimait avec
spontanéité. Il n’hésitait pas à dire que rien au monde
n’était plus important que le Christ. Il savait présenter
l’Evangile comme un moyen de faire face aux problèmes de
l’existence — du terrorisme, aux crises économiques et à
l’instabilité politique.
Première visite à Assise
Saint François, patron de
l’Italie
Le 5 novembre 1978, le Pape se rendit à
Assise, la ville de saint François, le patron de l’Italie.
L’enthousiasme de la foule était indescriptible. Les Italiens
l’accueillirent comme leur Pape.
Le Pape pria pour que tous les
problèmes sociaux
et politiques se règlent par la pratique de l’Evangile. Se
tournant vers saint François, le Pape poursuivit:
«Aide-nous afin que le Christ devienne la Voie, la Vérité
et la Vie pour les hommes et les femmes de notre temps. Saint
François, fils de l’Italie, le pape Jean-Paul II, un fils de
Pologne, te demande cette grâce.» Un voix s’éleva de la
foule: «N’oubliez pas l’Eglise du silence!» Le
Saint-Père répondit: «Ce n’est plus l’Eglise du silence,
car elle parle maintenant par la voix du Pape.»
Dorénavant ses foudres contre l’idéologie
communiste seraient lancées du haut de la chaire de saint
Pierre.
Que le Dieu Tout-Puissant bénisse notre
Pape et lui accorde toutes les victoires contre les ennemis de
l’Eglise et de la personne humaine.
(Pour cet article, nous nous sommes
servi de plusieurs livres, mais surtout celui intitulé: «S. S.
le Pape Jean-Paul II» Plon 1996).
Thérèse
Tardif
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